Samedi 27 novembre 2010 – Billet 2266 » Photos Bernard Maingot
SAINT-JEAN-D’ANGÉLY
A la mémoire de Marie-Madeleine Salomon
Vendredi 26 novembre, le maire Paul-Henri Denieuil et Anne-Marie Brisset, présidente de l’Association pour l’abbaye, ont dévoilé au centre de culture européenne une plaque dédiée à la mémoire de Marie-Madeleine Salomon, présidente disparue en janvier dernier, qui s’est dévouée avec passion pour l’association qu’elle avait créée en 1983. PHOTO BERNARD MAINGOT
N’ayant jamais connu Madame Salomon, j’ai trouvé que les renseignements contenus dans le discours du maire étaient intéressants à reproduire. Avec mes remerciements à la mairie pour me l’avoir communiqué, je le reprends ci-dessous :
Discours de Paul-Henri Denieuil du 26 novembre 2010
En hommage à Marie-Madeleine SALOMON
En janvier dernier, Marie-Madeleine SALOMON nous quittait dans sa 86e année. Sa disparition nous a laissé orphelin, orphelin d’une grande dame, même si physiquement, Marie-Madeleine était une personne d’apparence fragile.
Marie-Madeleine est née le 23 octobre 1924. Elle ne connut pas sa mère qui mourut quelques mois après sa naissance, atteinte de tuberculose. Elle fut donc élevée par sa tante Suzanne et un père souvent absent, à qui Marie-Madeleine vouait une grande admiration.
Ce père, Léo SALOMON, est une clé pour comprendre la personnalité de Marie-Madeleine et ses passions. D’une certaine façon, Marie-Madeleine fascinée par son père, a toujours cherché à retrouver ses traces.
Léo SALOMON est un personnage haut en couleurs. Après des études au Collège de Saint-Jean-d'Angély (à l’abbaye royale, NDLR), sans travail et sans argent, il part d’abord à Newcastle comme petit professeur de français où, à 18 ans, il connaît la vraie misère, puis va rejoindre de vagues cousins en Allemagne.
C’est là que commence une aventure à la Lawrence d’Arabie que Marie-Madeleine décrit avec amour et dévotion. Comme précepteur de fils de famille riche, le jeune Léo est amené à voyager, d’abord au Sud de la Russie au bord de la mer Noire, puis à Moscou.
Introduit partout, il vécu ses années de jeunesse en Russie, puis au Turkistan. Ses compétences linguistiques le rendait partout indispensable quels que soient les régimes politiques. Le Tzar de toutes les Russies avait démissionné. L’Allemagne un instant conquérante fit place aux bolchevicks.
Léo, qualifié de « bourgeois », s’échappa de justesse et put rejoindre la France grâce à la Croix Rouge.
Nous étions en 1919, la guerre est finie. Léo rejoint un de ses amis au Consulat de Londres. Ses compétences linguistiques faisaient des merveilles. Il parlait l’anglais, l’allemand et le russe avec une aisance qui faisait l’admiration de tous.
Le retour à Saint-Jean-d'Angély fut compliqué. Il se marie mais devient veuf quelques mois après la naissance de Marie-Madeleine.
Pendant les années noires de l’occupation, il fut actif dans la résistance et avec ses amis, il devint l’un des quatre membres du Comité clandestin de libération qui fit élire Jean-Réveillaud comme Maire de Saint-Jean-d'Angély à la Libération. A ce titre aussi, il participa avec la famille Brisson, à la création de l’Angérien Libre.
Disparu en 1980, Marie-Madeleine hérita de son père Léo ses qualités exceptionnelles, tant intellectuelles que morales.
Je dirais que Marie-Madeleine était une grande dame que beaucoup d’Angériens connaissaient. On la voyait marcher d’un pas assuré et volontaire dans les rues de Saint-Jean avec son regard vif et pétillant d’intelligence.
Mais que savait-on d’elle ? Bien peu de choses tant elle était discrète.
Après de solides études, elle devient enseignante... comme son père et de préférence à l’étranger. Romantique, Marie-Madeleine aimait l’exotisme. Elle fit sa carrière d’enseignante au Maroc, en Bretagne et en Allemagne. Elle enseigna l’anglais. Elle parlait l’allemand, mais hélas n’avait pas appris le russe, ce qu’elle regretta toute sa vie. Les contacts avec les étrangers, comme les voyages, l’attiraient. Ensuite, elle se consacra à sa deuxième passion : la recherche liée au patrimoine. Elle devint documentaliste à La Rochelle. Au moment de prendre sa retraite, elle reçoit en 1986, les Palmes Académiques pour sa carrière exemplaire.
Les années à Saint-Jean où elle retrouve la maison de son père en face de l’église sont toute entière consacrées à sa passion pour l’Abbaye et les différentes abbatiales.
Elle crée l’Association « Les Amis de l’Abbaye » où elle rassemble une centaine d’Angériens amoureux du patrimoine et de l’Abbaye en particulier.
Comme Présidente, elle s’active, organise des expositions sur l’Abbaye - tout le monde se souvient de l’exposition Rome et Byzance -, des sorties sur le thème du patrimoine, des voyages…
Elle devient une « experte » écoutée lorsqu’il s’agit de l’Abbaye.
Passionnée d’histoire, curieuse de tout, ouverte sur le monde, Marie-Madeleine était intarissable lorsqu’elle parlait de Saint-Jean.
Cette grande dame va nous manquer.
Malgré sa modestie naturelle, Marie-Madeleine s’imposait grâce à ses connaissances liées à ses recherches, grâce à son extrême courtoisie. Modeste pour elle certes, mais immodeste et même orgueilleuse quand elle parlait de son père ou de son Abbaye.
Je me souviens de ses piques à l’égard d’un architecte qui ne comprenait rien, selon elle, à l’esprit des bâtisseurs de notre Abbaye.
Sa curiosité était sans limite. Son métier de documentaliste la prédisposait à cela. Pour l’Abbaye, elle était à la recherche de tous les indices qui lui permettaient de reconstituer l’histoire des différentes abbatiales. Il y en eut cinq depuis 886, si mes sources sont exactes.
Enfin, sa générosité était appréciée de tous. Tournée vers les autres, elle savait écouter. Elle savait se mettre à la portée de tous, attentive aux difficultés de chacun. Oui cette grande dame va nous manquer.
Mais je pense à ce verset du Talmud :
« Un homme n’est pas fait de ce qu’il a reçu, mais de ce qu’il laisse derrière lui, à ceux qui garde sa mémoire ».
Marie-Madeleine SALOMON nous laisse en héritage tout ce qu’elle a recueilli patiemment sur notre Abbaye. « Nous garderons sa mémoire ».