Jérôme Leman n’a jamais voulu faire de cinéma. Pourtant, il est l’acteur principal dans "Les hommes sans gravité", un court métrage de Éléonore Weber.
» A. B.
Jérôme Leman avec Éléonore Weber, qui a déjà à son actif plusieurs court-métrages et des mises en scène de théâtre.
Contrairement à tous ces jeunes acteurs et figurants qui courent les castings, Jérôme Leman, 22 ans, n'a jamais voulu faire de cinéma : « C'est une réalisatrice de Paris qui m'a rencontré par hasard à SaintJean d'Angély. Elle m'a demandé de faire un bout d'essai devant ses caméras et j'ai tourné dans un moyen métrage de 39 minutes ».
Il faut dire que ce natif de Saintes garde un mode de vie de "voyageur". Dans ses veines coule le fier sang des gitans qui n'ont de cesse de vouloir partir vers des ailleurs : entre la caravane de son père quelque part près d'Écoyeux, un mobil home au sud de Saint-Jean et parfois le HLM de sa mère, il mène une perpétuelle vie de transit. Mais comme beaucoup des siens, il est devenu semi-sédentaire et reste attaché à sa terre natale saintongeaise : « Ce qui m'a surtout dépaysé, c'est de devoir faire le comédien ».
Car la réalisatrice Éléonore Weber (*) est une spécialiste du cinéma intimiste, à mi-chemin entre une fiction sans concession et le documentaire criant de vérité : « Je n’ai pas choisi Jérôme à partir d’un scénario déjà écrit, j’ai en quelque sorte choisi d’écrire un film à partir de ma rencontre avec Jérôme. Dans ces conditions, il ne s’agissait pas vraiment de "faire le comédien", même si au bout du compte c'est un travail de comédien qui lui était demandé, dans une fiction où il côtoyait d'autres acteurs. Il l'a d'ailleurs fait avec beaucoup de talent et peut-être même y a-t-il pris goût ».
D'ailleurs son film "Les Hommes sans gravité" - dont Jérôme Leman était l'acteur principal - sonnait si juste qu'il a écumé tous les festivals. Une trentaine de villes l'ont projeté. De "Paris Court" au centre Pompidou en passant par Brive ou le festival de court métrage "Entrevue" de Belfort mais aussi en novembre dernier par Lisbonne au Portugal et Istanbul en Turquie ! La réalisatrice Eléonore Weber l'a aussi montré au dernier Festival d'Avignon lors d'une carte blanche qui était consacrée à ses pièces de théâtre et à ses courts-métrages.
Toutes ces séances publiques ont fini par faire remarquer Jérôme Leman : « Vendredi 2 Janvier je dois monter à Paris. Il parait que l'on veut me voir pour un long métrage. Un vrai film, quoi ! L'histoire de plusieurs jeunes réfugiés d'Europe de l'Est qui tentent leur chance en France ». Le film devrait s'appeler "Faîtes demi-tour" et sera réalisé par Hélène Angel. Et si après le casting, il n'est pas pris, cela ne l'empêchera pas de dormir la nuit : « Moi, j'aime surtout le travail manuel, la menuiserie, l'électricité, mais j'ai pas le C.A.P. Résultat : je fais toujours l'apprenti et je trouve pas grand chose. Alors le cinéma, c'est mieux que rien ! Ceux avec qui je préfère discuter le plus lors d'un tournage, c'est le décorateur et l'ingénieur du son ».
Gageons que si cet apprenti comédien conserve cette ingénuité et son naturel confondant, il risque de voyager de tournage en tournage. Il serait alors malgré lui l'interprète de ces individus à la marge de la société qui crèvent de plus en plus l'écran parce que leur sincérité nous crève le cœur.
Alban Boigeol
Mathieu Montanier et Jérôme Leman après la première projection parisienne du court-métrage "Les hommes sans gravité" tourné en 2007, où ils interprètent les deux rôles principaux.
(*) Diplômée de philosophie politique, Weber réalise un film documentaire tourné en Algérie 'Silence dans le fortin' (2002) et deux films de fiction 'Temps morts' (2005, court-métrage) et, après un séjour au centre des écritures cinématographiques du Moulin d'Andé, 'Les Hommes sans gravité' (2007, moyen métrage). En tant qu'auteur, Eléonore écrit deux pièces 'Manège' (2001) et 'Décadrages' (2003), toutes deux mises en scène par Annie Lucas. En 2004, sa mise en scène de 'Je m'appelle Vanessa' de Laurent Quinton, immerge acteurs et spectateurs dans une même installations vidéo. Dans 'Tu supposes un coin d'herbe' (2005), Weber réussit à rassembler toutes ses activités mêlant image, texte et mise en scène pour nous présenter un portrait du monde actuel où chacun devient étranger à lui-même. Eléonore continue cette exploration de l'espace mental dans sa mise en scène de sa pièce 'Rendre une vie vivable n'a rien d'une question vaine' (2007, présentée au Festival d'Avignon). Weber est également l'auteur de textes de chansons sur le dernier album des Valentins 'Juke-Box'.