La surenchère (verbale) inutile vous connaissez ? C’est, dans un exemple développé ci-dessous, l’expression « au jour d’aujourd’hui » dont chacun se gargarise à souhait. Cet extrait de bêtise humaine n’est pas un élixir de grammaire française, mais un écho logique à un monde rempli d’esbrouffe. Deux ans que j’avais envie d’en parler. C’est « aujourd’hui » l’occasion.
» Bernard Maingot
Etant perfectionniste, amoureux des mots et défenseur de la langue française, je bondis chaque fois que j'entends ce pléonasme à la mode dans la bouche des journalistes, des politiques ou de toute personne en général s’exprimant en public, ce qui devrait rester un exemple pour les autres... Et ces mêmes "autres" renchérissent en employant à leur tour quelque chose qui ne veut absolument rien dire !
Je m’explique : quand un orateur se gargarise littéralement en commençant ses phrases par "au jour d'aujourd'hui" – parfois à maintes reprises dans une seule heure - , j’ai quasiment envie de sortir de la pièce pour que chacun puisse profiter d’une faconde qui se voudrait être savante et qui - littéralement - m’insupporte. Pourquoi ?
Aujourd’hui est déjà un pléonasme admis et régulier puisqu’il est formé de "au jour" auquel on ajoute "hui".
"Hui" vient du latin hodie (contraction de ho die) - hodie devenu ui, puis hui - qui signifie "ce jour".
"Aujourd'hui" signifie donc "au jour de ce jour". Nous avons donc déjà un pléonasme intégré dans la langue, non fautif. Passons sur cet usage irréfléchi d’une expression qui hérisse déjà le poil mais qui ne sera pas mis à la réforme du langage courant par nos hommes en habit vert.
Mais cet horrible "au jour d’aujourd’hui" double le pléonasme régulier d'un pléonasme fautif. C’est exactement comme si l’on disait : « au jour du jour de ce jour ».
Que des personnes sans instruction se laissent aller à des fautes de langage, on peut le comprendre, voire l’admettre et donc le pardonner. Mais cette faute est reprise à grande échelle du premier au dernier des moutons d’un troupeau incapable de faire preuve de bon sens ou de discernement, des moutons qui ne voient pas plus loin que le bout de leur langue.
Et puis, par une mauvaise duplication due à des esprits tordus, on voit se greffer d’autres inepties, telle que "à l’heure d’aujourd’hui".
Je m’attends maintenant à « actuellement au jour d’aujourd’hui » ou à « maintenant au jour d'aujourd'hui » , ainsi qu’à « au jour de demain » (bien que je n’aie jamais entendu dire « au jour d’hier »).
La bêtise humaine est insondable. Comme le disait si parfaitement Jules Renard : « Bêtise humaine. "Humaine" est de trop : il n'y a que les hommes qui soient bêtes. »
Cette façon de dire (« au jour d’aujourd’hui ») n’est autre chose qu’une manière "pourrie" et malsaine de rallonger une phrase, une façon crétine largement propagée par les médias qui atteint le paroxysme de la bêtise… à moins d’entendre bientôt un « A l'heure de cette heure où je vous parle… » qui chapeauterait ce summum, ce dont je ne m’étonnerais pas.
Nous vivons dans une époque où il faut renchérir ! Vous pourrez lire, par exemple, « C’est depuis l’âge de dix ans (révolus) que la petite Jeanne a commencé à avoir l’envie de peindre », au lieu de dire « Jeanne peint depuis l’âge de dix ans ».
"Au jour d’aujourd’hui" est donc un écho logique (en deux mots) à un monde contemporain rempli d’esbrouffe que chacun est heureux de gober !
Alors je vous passerai cette fois les « quelque soit les raisons… » (au lieu de « quelles que soient les raisons… ») et autres fautes grossières qui me faisaient bondir autrefois : j’en ai un plein panier mais ce sera pour d’autres fois (en deux mots également)…
Ah, j’oubliais ! Si vous avez d'autres exemples d'expressions redondantes ou absurdes, n'hésitez pas à les soumettre dans vos commentaires.