Texte Serge Hirel - Photos B. M.
Le Prix Servir du Rotary Club à Jacqueline Fortin
Créé en 1984 au sein du Rotary International, le Prix Servir a pour objectif de « favoriser le développement spontané de l’esprit civique de nos concitoyens, de mettre en valeur les actions de civisme, de courage, d’altruisme ou de dévouement à autrui, plus généralement toute action qui fait honneur aux valeurs morales, à l’esprit et à la philosophie du Rotary International ».
Chaque année, en janvier, chacun des Clubs Rotary de France désigne un ou une lauréate en tenant compte de plusieurs critères de sélection : le candidat doit mener une action bénévole d’intérêt public d’envergure pouvant s’étaler dans le temps, plutôt qu’une action ponctuelle ; cette action, qui peut être locale, régionale ou nationale, doit défendre une cause noble qui fait honneur à la devise du Rotary : « Servir ». Cependant, elle doit être menée avec discrétion et ne pas déjà bénéficier d’une large couverture médiatique.
Chaque lauréat "local" est ensuite présenté au niveau du District. Dans chacun de ceux-ci, un jury, présidé par le Gouverneur, désignera, en avril, le vainqueur "districal" du Trophée Servir, qui, enfin, concourra au prix national.
Pierre-Charles Raulx, Pierre et Jacqueline Fortin, Daniel Martichon, Jean Combes et Monique Barussaud
Pour le Prix Servir 2008, le jury du Club Rotary de Saint-Jean d’Angély, présidé par Daniel Martichon, a désigné Jacqueline Fortin, présidente des Maisons Paysannes de Charente-Maritime (depuis 1978) et de la Société d’Ethnologie et de Folklore du Centre-Ouest (depuis 1985). Jacqueline Fortin a donc reçu le Prix Servir, jeudi 10 janvier à 19 heures, à "la Maison de Jeannette", siège des deux associations qu’elle préside.
Jacqueline Fortin, la passion du terroir
Jacqueline Fortin avait une trentaine d’années lorsque, dans le courant des années soixante, elle s’est lancée dans la sauvegarde et la promotion du patrimoine saintongeais, qu’il soit culturel ou architectural.
Elle est, depuis 1978, présidente de Maisons Paysannes de Charente-Maritime (MPF 17) et, depuis 1985, présidente de la Société d’Ethnologie et de Folklore du Centre-Ouest (Sefco).
Native de Matha, Jacqueline Fortin a exercé, au sein de l’Education nationale, le métier de "maîtresse agricole". Chargée de jeunes en fin d’études primaires, elle avait pour mission de former les garçons à l’agriculture et les filles aux travaux de ménage.
Déjà très attachée aux traditions, bonne patoisante, curieuse de connaître le passé de son terroir, c’est dans le cadre de son travail qu’elle a découvert, avec un certain effarement, que d’autres, pour accueillir la modernité, étaient prêtes à se débarrasser des meubles et des objets de famille… « Le rêve, c’était la table en formica…, quitte à jeter celle de ses parents ! », se souvient-elle. « J’ai passé mon temps à expliquer à mes élèves que, pour être moderne, il n’est pas obligatoire d’oublier le passé… Bien au contraire ! ».
Dynamique, battante même, Jacqueline Fortin, très vite, ne s’est plus contentée de ce discours convaincu d’enseignante. En 1966, elle fut l’une des premières adhérentes de Maisons Paysannes de Charente-Maritime. En 1972, elle découvre la Sefco. Sa passion pour le patrimoine se fortifie encore… Quelques années plus tard, ses talents d’organisatrice, sa jovialité naturelle et son sens de l’amitié la conduiront à être élue aux responsabilités qui sont encore aujourd’hui les siennes. Elle est aussi la plus ancienne au sein du conseil d’administration de Maisons Paysannes de France.
Animatrice née, Jacqueline Fortin entreprend aussitôt de développer encore plus les activités des deux associations, accumule la documentation, maintient contre vents et marées la publication bimestrielle du "Subiet" - un journal en patois qui a bercé sa jeunesse -, multiplie les contacts avec les autorités et les éventuels partenaires. La notoriété de la Sefco et de MPF 17 va aujourd’hui bien au-delà de leurs territoires d’action…
Outre ce "professionnalisme" de leur présidente, les deux associations bénéficient d’un avantage assez rare : un siège social à la taille de leurs besoins, la "Maison de Jeannette", à Saint-Jean d’Angély. Mais ce qui est unique, c’est que ces locaux sont mis gracieusement à leur disposition par Pierre et Jacqueline Fortin depuis qu’ils les ont acquis, en 1985. Ils les ont restaurés avec l’aide d’artisans amoureux du bel ouvrage et de quelques adhérents de Maisons Paysannes, et poursuivent leur aménagement pour les adapter à la croissance des archives et des collections.
Loin d’être un simple "rat de bibliothèque", avide de connaissances personnelles, Jacqueline Fortin adore partager sa passion des traditions et des cultures régionales, son goût pour la beauté des bâtiments et des paysages, son combat pour le maintien des parlers poitevins-saintongeais. « Langue locale ou patois - ce qui veut dire langue de nos pères -, le terme importe peu », assure-t-elle, « l’important, c’est qu’ils soient parlés, écoutés, compris, écrits et lus… ».
Toujours disponible pour animer une émission de radio ou prêter des objets pour réaliser une vitrine, Jacqueline Fortin est très présente à la "Maison de Jeannette", pour accueillir le public, offrir des conseils, rencontrer artistes patoisants, chercheurs ou simples passionnés, mais aussi pour préparer les multiples conférences, réunions, colloques, assemblées, voyages-découvertes, expositions et autres manifestations qui, tout au long de l’année jalonnent la vie intense de la Sefco et de MPF 17. Leur présidente est aussi leur cheville ouvrière.
Son souci actuel ? Accélérer l’informatisation des deux associations pour faciliter l’emploi de leur documentation, et utiliser les immenses possibilités qu’offre l’Internet pour encore mieux faire connaître et partager les objectifs de Maisons Paysannes de Charente-Maritime et de la Société d’Ethnologie et de Folklore du Centre-Ouest, pour développer leurs réseaux, pour porter plus loin et plus fort le renom du patrimoine architectural et culturel de la Saintonge, de l’Aunis, du Poitou et de l’Angoumois.
En quarante ans de bénévolat, Jacqueline Fortin, par sa compétence, sa gentillesse et son volontarisme, a fait parcourir un long chemin à la sauvegarde et à la promotion du patrimoine régional. Le travail de sensibilisation des deux associations qu’elle préside n’est pas pour rien dans la création d’organismes plus officiels qui s’intéressent à ce même combat, devenu à la mode, dans le développement du tourisme patrimonial… Des concurrents ? « Non, des partenaires ! », dit-elle.
Après toutes ces années de combat, Jacqueline Fortin a été nommée récemment chevalier de l’Ordre des Arts et Lettres. D’autres auraient obtenu depuis longtemps la Légion d’Honneur… Mais, outre celles déjà citées, Jacqueline Fortin possède une autre qualité : la modestie. Sa conception du bénévolat est simple : loin d’en tirer gloire personnelle, elle est là pour servir. Servir une cause. Servir son terroir.
Maisons Paysannes de Charente-Maritime (MPF 17)
Maisons Paysannes de Charente-Maritime (MPF 17) est l’une des 75 délégations départementales de Maisons Paysannes de France, une association fondée en 1965 pour assurer la connaissance, la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine rural, bâti et environnemental.
La présidente de MPF 17 est, depuis 1978, une angérienne, Jacqueline Fortin, qui préside aussi la Société d’Ethnologie et de Folklore du Centre-Ouest (Sefco). Les deux associations poursuivent des buts parallèles, l’une dans le domaine culturel, l’autre dans celui de l’architecture.
Regroupant uniquement des bénévoles, Maisons Paysannes de Charente-Maritime n’est pas une simple association de défense contre le mauvais goût et les promoteurs irrespectueux. Ses objectifs sont avant tout de favoriser l’entretien et la restauration du bâti rural traditionnel, en conservant son caractère et son charme, de promouvoir une architecture contemporaine en harmonie avec le paysage, enfin de préserver et de favoriser la transmission des savoir-faire.
MPF 17 travaille essentiellement dans le domaine du conseil et de la prise de conscience que, dans la plupart des cas, il n’est pas plus coûteux de respecter les bâtiments à restaurer ou à aménager en utilisant des matériaux et des méthodes traditionnelles.
Maisons Paysannes, qui entend rester neutre dans le choix des artisans, ne veut pas non plus se substituer à d’autres intervenants (collectivités locales, architectes, Bâtiments de France, services régionaux et départementaux,…). L’association, au contraire, par son positionnement extérieur, souhaite simplement apporter un supplément d’information, qui, au-delà des textes réglementaires, incitera les propriétaires à faire le choix de la restauration "douce", de l’aménagement harmonieux… Au fil des ans, en Charente-Maritime, cette collaboration, qui respecte le territoire de chacun, s’est renforcée peu à peu, au profit de la qualité du patrimoine régional.
Pour remplir cette mission de sensibilisation, MPF 17, outre le trimestriel officiel de Maisons Paysannes de France, diffuse une notice de "conseils" spécifiques à l’habitat départemental, des dossiers techniques (chaux, toitures, carrelages, cheminées, pierre,…), ainsi que des ouvrages sur l’architecture, l’aménagement des abords et la vie rurale. Elle organise des conférences et des stages techniques de transmission de savoir-faire, propose trois fois par an des sorties-découvertes et a réalisé un inventaire typologique des maisons rurales, pour en conserver la mémoire et disposer d’exemples à soumettre aux futurs restaurateurs.
Pour MPF 17, l’un des moments forts de l’année est la Journée du Patrimoine de Pays, à l’organisation de laquelle l’association participe activement depuis sa création. Elle aura lieu cette année le 15 juin et permettra, comme de coutume, aux Charentais-Maritimes de découvrir des bâtiments et des demeures, parfois inaccessibles au public, qui font la richesse de leur département, au même titre que ses paysages.
Quant au service "conseils", qui assure une vingtaine d’interventions par mois, son objectif est d’aider les propriétaires à faire les choix techniques judicieux, mais aussi de rapprocher les gens qui veulent bien faire des artisans qui respectent le patrimoine. Cela peut prendre la forme d’une visite sur le futur chantier ou d’un rendez-vous au siège social de l’association, la "Maison de Jeannette", qui dispose d’une importante documentation écrite et visuelle. Dans les deux cas, ce sont des architectes ou des techniciens qui assurent bénévolement ce service. Leur message tient en une formule - « Bien restaurer pour valoriser sa maison » - et quatre mots-clés : « Simplicité, authenticité, fidélité, économie ».
Contact : "La Maison de Jeannette", 51, rue de la Garousserie, Les Granges, 17400 – Saint-Jean d’Angély – Tél. : 05 46 32 03 20.
"La Maison de Jeannette"
Acquise en 1985 par Pierre et Jacqueline Fortin, la "Maison de Jeannette" – du prénom de la propriétaire précédente - est une ancienne fermette saintongeaise sise aux Granges, à Saint-Jean d’Angély. Depuis cette date, le couple l’a mise gracieusement à la disposition des deux associations que préside Jacqueline Fortin : Maisons Paysannes de Charente-Maritime et la Société d’Ethnologie et de Folklore du Centre-Ouest (Sefco). Inhabitée depuis plusieurs années, la bâtisse, qui date du XVIIIe siècle, exigeait une sérieuse restauration. Elle a été réalisée, bien sûr, selon les méthodes traditionnelles, par des bénévoles de Maisons Paysannes et des artisans amoureux de la pierre et de la chaux.
Aujourd’hui encore, ses propriétaires poursuivent son aménagement. Un balet contigu à l’habitation vient d’être aménagé en salle de réunion. Des travaux rendus nécessaires par l’espace que nécessite les diverses documentations accumulées au fil des années, tant dans le domaine du patrimoine culturel que dans celui de l’architecture régionale.
Lieu d’échange de savoirs et de ressources, la "Maison de Jeannette", grâce aux riches collections de livres et de revues qu’elle abrite, grâce aux innombrables archives qui y sont conservées, est devenu un témoin majeur du patrimoine culturel régional. « C’est un lieu vivant où l’on peut cueillir quelques fleurs du langage et des traditions », explique Jacqueline Fortin, qui, depuis plus de vingt ans, maintient au plus haut niveau sa quête patrimoniale. La bibliothèque (« la pllanchetras aux lives ») regorge d’ouvrages en patois et en français sur les traditions régionales et abrite la collection complète du "Subiet", depuis son premier numéro, paru en 1901. Y figure également un fonds important de pièces de théâtre en patois, dans laquelle les troupes locales puisent une bonne partie de leur répertoire.
Outre ces trésors, le public, qui peut visiter gratuitement la "Maison de Jeannette" le mercredi après-midi (groupes possibles sur rendez-vous), y découvre des meubles et des objets usuels du XIX
e et du début du XX
e , notamment un "potager" », ancêtre de la cuisinière, et une cheminée équipée de ses ustensiles d’époque. Le dernier arrivé est un métier à tissu, offert par une adhérente de Maisons Paysannes.
A la "Maison de Jeannette", le visiteur peut à la fois satisfaire sa curiosité pour les traditions, étancher sa soif d’enracinement dans un riche terroir et découvrir les techniques qui lui permettront de participer à la sauvegarde de son patrimoine.
Contact : "La Maison de Jeannette", 51, rue de la Garousserie, Les Granges, 17400 – Saint-Jean d’Angély – Tél. : 05 46 32 03 20.
La Sefco
La Sefco (Société d’Ethnologie et de Folklore du Centre-Ouest) est avant tout une société d’études qui se donne pour mission de recueillir, de conserver et de défendre le patrimoine culturel, artistique, ethnologique et linguistique des anciennes provinces de Poitou, Aunis, Saintonge, Angoumois. La Sefco n’est pas un Groupe folklorique présentant des danses et des chants, même si les danses et les chants lui sont chers au cœur. Elle compte un millier d’adhérents sur l’ensemble des cinq départements.